La taxe au sac va-t-elle finir à la poubelle? Une décennie après son introduction par des communes pionnières de Suisse alémanique (voir encadré), elle ne fait en tout cas pas l’unanimité quant à ses aptitudes à remplir sa mission: faire payer aux producteurs de déchets le coût de leur élimination, en les incitant à trier et recycler ce qui peut l’être. Alors que le canton de Fribourg se dépêche d’en généraliser l’application, la ville de Berne songe sérieusement à la supprimer.
Que reproche-t-on au juste à cette taxe? Essentiellement d’avoir de coûteux effets secondaires. Car si elle incite les plus consciencieux à trier leurs ordures, les réfractaires, eux, préfèrent tricher.
Curieusement, ce ne sont pas les dépôts illégaux, redoutés avant l’introduction de la taxe, qui sont le plus montrés du doigt. A part à Berne, où 1000 tonnes d’ordures sont annuellement balancées dans les zones forestières, le phénomène est partout qualifié de «marginal»: cinq sacs par an dans les bois entourant Payerne, par exemple. De même, le «tourisme des déchets» se produit quelque temps après l’introduction de la taxe. Au-delà, les gens se fatiguent, les communes «visitées» par les touristes du sac se mettent à réprimer la fraude ou passent elles-mêmes à un système de taxe au sac, comme le constate une étude commandée par l’Etat de Vaud sur les communes de Mollens, Baulmes, Orbe et Payerne1.
Contamination
Plus préoccupant: les gens ont tendance à glisser leurs ordures incinérables au milieu des déchets recyclables. En fait, le système ne fonctionne bien que lorsque les déchets valorisables sont apportés en «déchetterie» surveillée, et non collectés au porte-à-porte. L’entreprise Vetrorecycling, chargée du recyclage du verre en Suisse, a constaté que les déchets contaminants avaient plus que doublé depuis l’introduction de la taxe en Suisse alémanique, atteignant 6% du verre récupéré! A Orbe, 20 tonnes d’ordures incinérables doivent être extraites chaque année du compost par tri manuel; à Berne, la situation est devenue telle que la Ville a dû renoncer à collecter le compost.
Mais le plus dangereux pour l’environnement, c’est l’incinération «sauvage»: on brûle les déchets, dans la cheminée, au jardin ou dans les arrière-cours d’entreprises. Or, un feu de déchets «sauvage» génère jusqu’à 5000 fois plus de dioxines qu’une incinération en usine. Un «mini-Seveso» généralement toléré par les communes...
2 millions
Contenir ces effets pervers exige une excellente information du public, des mesures de surveillance très strictes et des structures adéquates. A cela s’ajoute que la taxe pénalise d’abord les bas revenus et les familles. Pour juguler au maximum sa nature antisociale, les communes doivent mettre des correctifs en place, comme des conteneurs gratuits pour les couches-culottes. Au final, la facture peut être considérable, et les communes, qui avaient vu dans la taxe une source appréciable de recette fiscale, en sont parfois pour leurs frais. «La gestion des effets négatifs de la taxe nous coûte 10% du budget, soit 2 millions par an, et c’est la même chose à Bâle et à Zurich», soupire Beat Gruebler, chef du Strasseninspektorat (voirie) de la ville de Berne. Comme le résument les bureaux d’études environnementales, «il faut bien fixer l’objectif: économique ou écologique».
Un péché
Les partisans de la taxe font valoir que son effet sur la balance entre déchets incinérables et valorisables est immédiat et que la taxe est plus juste et plus incitative qu’un impôt annuel. Des arguments irréfutables, même si les opposants voient une autre raison à l’engouement des milieux écologistes pour la taxe: «Comme les déchets sont une mauvaise chose, ceux qui en produisent doivent être punis. Cette fonction expiatoire de la taxe a beaucoup de succès outre-Sarine», analyse avec ironie Etienne Ruegg, spécialiste de la question au sein du Service des eaux, des sols et de l’assainissement de l’Etat de Vaud.
Plan B
Si la taxe peine à convaincre, l’objectif qui lui est assigné n’en demeure pas moins impératif. Les collectivités qui choisissent de la supprimer, ou de ne pas l’appliquer, devront opter pour un plan B. A Berne, un système de taxation au poids des conteneurs par immeuble pourrait être testé au printemps 2001. Une solution qui responsabiliserait la communauté plutôt que l’individu, ce que Beat Gruebler et Etienne Ruegg jugent favorablement: «Apporter à la gestion des déchets une solution purement individualiste s’inscrit dans une tendance qui ne favorise pas la cohésion sociale.»
Blaise Guignard
1 Evaluation de l’effet de la taxe au sac sur les flux de déchets communaux, Biol Conseils SA, Yverdon, février 1999.
de quoi parle-t-on?
Les consommateurs-pollueurs à la caisse
A l’origine de la «taxe au sac», il y a le «principe de causalité» figurant à l’article 2 de la Loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE): «Celui qui est à l’origine d’une mesure prescrite par la présente loi en supporte les frais.» En clair, c’est la règle du pollueur-payeur.
Pour se conformer à la LPE, de nombreuses communes de Suisse alémanique ont introduit une taxe sur les sacs à ordures dès la fin des années 80. En Suisse romande, seul le canton de Fribourg l’a imposée par le biais de sa législation sur les déchets. Le Jura l’a refusée par voie de référendum en décembre 1998. Ailleurs, la situation varie selon les communes. Dans le canton de Vaud, moins d’une vingtaine de communes appliquent la «taxe au sac».
Celle-ci peut être calculée en fonction du volume ou du poids des sacs – solution plus équitable, mais complexe à mettre en œuvre. La plupart des communes prélèvent une taxe au volume, combinée avec une taxe de base annuelle (par ménage ou habitant, en fonction de la quantité d’eau envoyée à la STEP, etc.).
Prudent, le législateur n’a pas fait de la taxe un principe absolu: si son application «devait compromettre l’élimination des déchets urbains selon les principes de protection de l’environnement» (art. 32 a al. 2 LPE), elle pourrait être abandonnée au profit d’un autre système.
trois sacs sur sept sont insatisfaisants
Des ordures pas toujours bien emballées
Que ce soit en cuisine ou dans la rue, la vie d’un sac à ordures est rude. Nous avons donc testé les aptitudes de 7 modèles de 35 l vendus en grande surface. Critères: les exigences de qualité formulées par l’ORED (Organisme pour les problèmes d’entretien des routes, d’épuration des eaux usées et d’élimination des déchets, un groupe de travail fondé par l’Union des villes suisses en 1982). Concrètement, les sacs ont été jaugés à leur capacité à se dilater sans rompre, la solidité de leurs jointures, leur résistance au percement et la robustesse du système de fermeture, qui fait également office de poignée.
Résultat mitigé: 3 sacs sur 7 sont jugés «insuffisant» (voir tableau). Souvent, ce sont les jointures gainant la bande de fermeture qui lâchent à la première tentative de clore le sac; parfois, au contraire, elles sont si bien soudées qu’aucun interstice ne subsiste pour tirer la bande de fermeture…
Poids minimal
Enfin, comme les sacs de 35 l sont censés supporter un poids de 5 kilos, nous avons considéré qu’une résistance inférieure à 5,5 kilos était insuffisante. Seul le Quick-Bag de la Coop vendu en rouleaux a obtenu la mention «bon» pour ce critère.
En guise de commentaire sur ces performances plutôt médiocres, Polyroll, fournisseur malais des sacs vendus aussi bien par Migros que par Coop, met en doute les mesures effectuées, arguant que les tests menés par l’entreprise elle-même démontrent que les sacs satisfont aux critères de l’ORED.
Quant à Petroplast, fabricant suisse de sacs poubelles, il affirme que les ruptures de la bande de fermeture sont souvent dues à une mauvaise manipulation des utilisateurs. L’entreprise concède toutefois que l’utilisation de matériaux recyclés pour fabriquer les sacs – jusqu’à 80% – ne peut garantir une qualité constante.
Pour éviter les catastrophes sur le carrelage de la cuisine, ou dans les escaliers direction le conteneur, un minimum de précautions peuvent être prises (voir schéma):
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