Le mandat pour cause d’inaptitude, entré en vigueur l'an dernier, est un instrument encore mal connu. Si vous deviez vous retrouver privé de votre capacité de discernement, il permet de transférer à une personne désignée par vos soins la prise en charge des tâches que vous ne pourrez plus accomplir.
Tout comme un testament, il doit prendre la forme d’un document entièrement manuscrit ou, à défaut, être authentifié par un notaire. Le mandat peut désigner une personne tant physique que morale, comme une banque ou une organisation.
Sa portée est modulable: le signataire peut déterminer en détail quelles tâches il souhaite attribuer à son mandataire et les domaines dans lesquels il peut agir – gestion du patrimoine, santé ou affaires juridiques notamment*. Il peut même préciser la manière de les accomplir, comme, par exemple, interdire certaines formes de placement bancaire risquées.
Ce nouvel outil vise à renforcer le droit à l’autodétermination et à réduire l’intervention de l’Etat. Car, en l’absence, de mandat, la représentation d'une personne qui perd sa capacité de discernement est transférée au conjoint. Et, s’il n’existe pas ou n’est pas apte à le faire, c’est l’Etat qui se charge de mettre en place une curatelle.
Inaptitude?
Mais le mandat pour cause d’inaptitude pose des questions qui n’ont pas échappé à un de nos lecteurs. La loi prévoit, en effet, son entrée en force lorsqu’une personne devient «incapable de discernement». Or, demande-t-il, comment détermine-t-on cet état et qui en décide?
Selon le Code civil, il s’agit de quelqu’un «privé de la faculté d’agir raisonnablement», notamment en raison d’une déficience mentale ou de troubles psychiques. Il n’existe pas de seuil ou de limite médicale plus explicite; chaque cas doit être évalué individuellement.
Une instance cantonale, l’autorité de protection de l’adulte, se prononce lorsqu’on lui signale un cas. N’importe qui peut la saisir. Si c’est possible, elle auditionne la personne concernée par la mesure, puis rend une décision en s’appuyant, au besoin, sur un spécialiste, un médecin par exemple.
Précision importante: c’est la preuve de l’incapacité qui doit être faite, et non l’inverse. Ainsi, un mandat prend automatiquement fin si l’incapacité disparaît à la suite d'une amélioration de l’état de santé, sans que l’intéressé doive apporter la preuve qu’il a recouvré ses facultés. Il incombe de nouveau à l’autorité de protection, saisie par exemple par les proches, de prouver que l’incapacité perdure.
L’instance cantonale a d’autres devoirs. Elle est chargée de vérifier s’il existe, ou non, un mandat d’inaptitude au moment où il deviendrait nécessaire, puis de contrôler son authenticité et sa validité. Elle contacte alors le mandataire, évalue son aptitude à remplir le rôle, l’informe de ses devoirs et lui transmet un document de légitimation. Et c’est sur la base de ce document qu’une banque pourra, notamment, donner au mandataire l’accès au compte ou au coffre du client ou encore un médecin donner accès au dossier médical du patient.
Il lui incombe aussi de prendre des mesures si le mandat n’est pas appliqué correctement: d’office, si elle constate des irrégularités ou à la suite de la requête d’un proche. Ici, prudence: selon Margreth Bösiger, juriste au Département fédéral de justice, «une fois le mandataire installé dans ses fonctions, il agit de manière autonome et indépendante. Le rôle de l’autorité de protection n’est pas de l’encadrer et de valider toutes ses décisions.» On veillera donc, évidemment, à confier le mandat à une personne de confiance…
Choisir son curateur
Le mandat pour cause d’inaptitude se rapproche donc d’une curatelle, à ceci près qu’il permet de choisir soi-même son curateur. La personne désignée reste toutefois libre de refuser. Mieux vaut donc l’informer, afin de s’assurer qu’elle acceptera la tâche, le moment venu. De plus, pour être sûr que l’autorité de protection de l’adulte soit immédiatement informée de l’existence du document en cas de besoin, il est recommandé d’avertir l’Office de l’état civil lors de sa création.
Vincent Cherpillod
*Modèles de mandats sur le site www.curaviva.ch