Certaines campagnes de prévention marquent plus que d’autres. La plus mémorable est sans doute «Un verre ça va, trois verres...bonjour les dégâts!» Aujourd’hui, le conseil serait plutôt «Zéro ou un verre, ça va».
Autre slogan tout aussi entêtant: «Les antibiotiques, c’est pas automatique!». Il a certes marqué forte- ment les esprits, mais n’a pas vraiment amené au changement d’attitude escompté face à l’utilisation trop systématique de ces médicaments.
Si, en novembre dernier, la Confédération a lancé la campagne «Antibiotiques: quand il faut, comme il faut!», c’est bien parce qu’il y a urgence à prendre conscience d’un problème qui grandit année après année: l’utilisation excessive ou inappropriée des antibiotiques entraîne une résistance des bactéries aux médicaments et une perte de leur efficacité.
Cette campagne, qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale Antibiorésistance (StAR) lancée en 2015, vient rappeler que si le développement des antibiotiques constitue l’une des plus grandes avancées de la médecine moderne, leur fragilité face à un mauvais usage est grande. Le risque que certaines infections développées par les hommes, ou les animaux, deviennent difficiles voire impossibles à traiter, n’a jamais été aussi présent. Le problème est d’autant plus préoccupant que les antibiotiques permettent de traiter efficacement des pathologies graves, comme la pneumonie ou la septicémie, dont l’issue se révélait autrefois souvent fatale (lire page 6). Dans ce tableau inquiétant, quelques lueurs apparaissent pourtant. En dix ans, la quantité d’antibiotiques vendus en médecine vétérinaire a diminué de moitié.
En médecine humaine, les directives en matière de presciption, harmonisées pour toute la Suisse, ont contribué ces deux dernières années à une réduction de 5% en ambulatoire et de 10% en stationnaire.
Face à cette antibiorésistance, une prise de conscience des médecins et de la population est indispensable mais sans doute pas suffisante. Du coup, une autre approche revient doucement sur le devant de la scène: la phagothérapie (lire page 8). Cette méthode, découverte au début du XXe siècle et encore utilisée dans certains pays comme la Géorgie, consiste à utiliser des virus tueurs de bactéries. Une pratique prometteuse mais peu compatible avec les normes actuelles en matière de médicaments, qui n’ont pas été pensées pour des organismes semi-vivants tels que les phages. Leur utilisation se heurte donc à de si nombreux obstacles qu’aucun traitement n’a pu être homologué en Suisse pour l’instant. Ce qui pourrait changer dans les années qui viennent puisqu’une étude européenne, menée en collaboration avec le CHUV à Lausanne, vient tout juste de prouver que les phages éliminent bel et bien les bactéries sans occasionner d’effets secondaires sérieux.
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef